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Antrim

Rencontre à l'Université de la Terre


Vous l’avez déjà peut-être compris depuis le temps que je vous parle du Costa Rica, l’or véritable de ce pays est dans ses ressources naturelles qu’il préserve avec attention.

Visiter ce pays et rencontrer tous ces gens qui ont une haute conscience de leur environnement m’a redonné espoir pour le futur de notre planète. C’est un bel exemple… dans un si petit pays ! Maintenant, comment le reste du monde pourrait-il suivre la même voie ?

San José, capitale du Costa Rica, vue du ciel.

San José, capitale du Costa Rica, vue du ciel.

L’éducation comme base du changement

Comment les esprits changent-ils ?

Comment un gouvernement en vient à orienter sa politique dans ce sens : est-ce un changement « de bas en haut » : la nation exprime sa volonté de changement par des initiatives citoyennes et locales puis par les élections ? Ou est-ce « de haut en bas » et c’est le gouvernement qui prend conscience de la nécessité d’un changement et l’impose à l’échelle nationale par le pouvoir exécutif ?

Généralement, ce dernier schéma survient lorsque des raisons économiques pèsent dans la balance ; et le Costa Rica avait beaucoup à gagner en faisant valoir son patrimoine naturel auprès des touriste du monde.

Mais avait-il autant à gagner avec le tourisme équitable qu’en laissant des multinationales exploiter ses ressources ? Pour citer un exemple que je connais personnellement, ce fut là la décision du Chili (voir les articles concernant le combat des Mapuches, peuple indigène du Chili) – et c’est un exemple parmi d’innombrables autres, en particulier en Amérique latine.

Dans le cas du Costa Rica, il se trouve que c’est un peu un mélange de ces deux modes de changements qui a mené à un mode de vie et de consommation et une économie plus écologiques – c’est-à-dire davantage en adéquation avec les ressources disponibles et l’écosystème régional au long terme.

Un tel changement se fait évidemment sur plusieurs générations et passe donc forcément par l’éducation, laquelle a vu ses moyens augmenter considérablement quand la plupart du budget de l’armée, abolie en 1948, y a été investi.

Ce fut l’initiative de José Figueres Ferrer dont le parti venait de gagner la guerre civile : « l’armée (…) remet les clés des casernes aux écoles », déclarait-il le 1er décembre 1948.

Ce président était convaincu qu'un pays ne peut prospérer que sur la promesse d’un avenir de paix.

Écoutez le chant de l’abolition de l’armée :

Extrait des paroles (la traduction est de mon fait) :

"C’est pour cela que le monde nous connaît et nous respecte, pour la décision

De lever les cahiers et les violons au lieu du fusil cruel et destructeur.

Costa Rica sans armes (…) Vive la paix… et que meure le canon !"

L’un des temples de cette nouvelle orientation donnée à l’éducation est l’université EARTH.

L’université de la Terre

Fondée en 1986 par décret national, l’École d’Agriculture de la Région Tropicale Humide (EARTH) reçoit chaque année une centaine d’étudiants de tous âges et du monde entier qui passeront quatre ans à apprendre dans de nombreux domaines liés à l’écologie. Cultiver la terre à fort rendement sans produits toxiques, entreprendre dans le secteur de l’agronomie, conduire un tracteur, élever des porcs, traire des chèvres, aider des vaches à mettre bas…

Au cours de leur 3e année, les étudiants choisissent un projet d’entreprenariat qui doit générer un profit en l’espace d’un an. Leur budget est validé puis financé par l’université elle-même, qui les pousse à prolonger cette initiative dans leur carrière, une fois le diplôme obtenu, de retour dans leur pays d’origine où ils seront « porteurs du changement ».

À propos du financement justement, environ la moitié des étudiants voient leurs frais de scolarité entièrement pris en charge ; ce qui permet que 71 % d’entre eux viennent des communautés rurales à faibles revenus – là où les enseignements de l’université seront les plus utiles.

Cela est rendu possible par de nombreux dons, des aides de l’État et le soutien de Fondations philanthropes comme la fondation W. K. Kellogg.

Un article tout entier pourrait être consacré au campus.

Plus de 3 000 hectares de la jungle tropicale humide, à quelques kilomètres de la mer des Caraïbes, ont été aménagés pour l’université avec un impact nul sur la biodiversité et minime sur l’écosystème. Tous les bâtiments, des résidences étudiantes aux salles de classe et du restaurant à l’immense bibliothèque, sont à énergie passive voire positive. Les singes hurleurs au bord des chemins accompagnent les étudiants qui se rendent en cours (… ou aux champs) à vélo ou en bus électrique à énergie solaire.

La grande bibliothèque EARTH, centre du campus de l'université costaricaine.

C’est d’ailleurs ce bus scolaire qui a retenu mon attention. Un bus électrique et solaire… a-t-on jamais besoin de le recharger ?

J’ai pu en parler en détails avec le Professeur Bert Kohlmann, qui enseigne l’agronomie appliquée et mène de nombreux projets de recherche au sein de l’université.

Des scarabées aux satellites

Bert Kohlmann est un homme avenant et agréable, toujours avec un petit sourire sous son ample barbe. Après son doctorat à l’université nationale d’Australie puis quelques années à l’institut de l’écologie de Jalapa au Mexique, il intègre l’université EARTH en 1992 où il développe sa passion pour la biodiversité.

Professeur bert Kohlmann recevant la médaille du service public de la NASA.

Expert ès scarabéidés, il recense et complète la grande famille des coléoptères costaricains en découvrant des espèces insoupçonnées.

Les projets s’enchaînent : d’une étude sur le développement de la maladie de Chagas transmise par les insectes, il entre en coopération avec la NASA pour développer un système de cristallisation de molécules dans l’espace afin de mettre au point une crème solaire anti-Chagas, puis utilise la photographie spatiale pour commenter et publier un « Atlas Spatial du Costa Rica », travail pour lequel il reçoit la Médaille du Service Public remis par la NASA.

Rouler au soleil

Pr. Bert Kohlmann dans son bureau du campus EARTH.

Cependant, depuis la création du Centre d’Investigations et de Développement des Énergies Renouvelables (CIDER) au sein de l’université EARTH en coopération avec le ministère allemand de l’environnement, le Professeur Kohlmann poursuit un projet qui lui tient beaucoup à cœur.

Dans un pays où l’énergie est produite par l’eau, le vent ou le soleil (qu’il y a là-bas à profusion), le plus gros problème environnemental qui reste à régler est le transport. Les véhicules roulent encore aux énergies fossiles et non renouvelables.

Eh bien sur le campus de l’université EARTH, Bert Kohlmann a prouvé qu’une solution existe.

L’application du projet tient en une phrase : un bus électrique, dont les batteries sont rechargées par des panneaux solaires placés sur le toit.

Explications en vidéo !

Prise de recul sur le sujet des énergies renouvelables

Après avoir déjà voyagé dans différents pays du monde, après avoir vécu dans la jungle du Costa Rica, près des gens et de leur si riche environnement, et surtout après avoir rencontré et partagé les problèmes de nombreux peuples indigènes, je suis tenté de conclure par un paragraphe sur la problématique que pose la transition énergétique dans les pays d’Amérique latine.

On crie au scandale à chaque nouvelle exploitation pétrolière (le Chili en est littéralement miné) ou d’autres ressources fossiles, et l’on brandit les Droits de l’Homme à chaque nouveau barrage hydroélectrique lorsque l’on apprend que des peuples indigènes vont être évacués de leurs terres d’origine.

Le Costa Rica a misé sur l’énergie renouvelable, dont la majorité vient de l’hydraulique. Il y eut bien des revendications indigènes lors de ces faramineux chantiers, même si ceux-ci sont passés inaperçus en Europe : le plus grand barrage hydroélectrique d’Amérique centrale est dans la cordillère de Talamanca dans le sud du pays, terre des Borucas, des Teribes, des Cabécares et de la plus grande minorité indigène costaricaines les Bribris.

Alors quelle est la bonne solution ?

Les énrgies au Costa Rica

Source : LeMonde.fr

La question reste ouverte, mais le temps nous donnera peut-être la réponse (erronée ?).

Dans notre système, l’histoire n’est pas écrite par les activistes mais par les dirigeants, pas par les minorités sociales mais par les représentants élus par une majorité. Aussi, il fait beau voir une énergie renouvelable dans les statistiques nationales, la postérité oubliera ces peuples indigènes que l’on a délocalisés contre tout traité, décret ou loi internationale.

Pour le Costa Rica, les résultats sont là, et ils sont positifs : rappelons que plus de 78 % de la demande énergétique nationale a été fournie par les énergies renouvelables en 2016.

Mais ce débat a lieu d’être lorsque l’on voit les impressionnantes manifestations des indiens d’Amérique à Standing Rock depuis l’annonce du nouveau président Trump de mener à bien la construction d’une pipeline sur un territoire sacré, et les répressions non moins sensationnelles par les forces armées des États-Unis (cf. article Libération).

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