Toujours à l’horizon il y avait ces montagnes,
Ces crêtes qui toujours surplombaient nos campagnes,
Dont les pentes toujours demandaient davantage
D’effort et de profit tant qu’on en avait l’âge.
C’était comme des dieux qui dominaient nos jours
Dont les chiffres, les flèches dénués d’Amour
Voulaient montrer la voie qui menait au malheur.
L’humanité suivait – c’était à contrecœur.
Souvent certains clamaient l’intérêt du progrès
Souvent, ils disaient vrai, certains s’enrichissaient.
Une civilisation mondiale était née
Réduisant maladies, crimes et pauvretés.
Partout vibrait la même histoire du cosmos
Comment l’on jouit d’Eros ou défait Thanatos
Dans les écoles, les labos, plus de démons
Hormone et molécule font nouveaux sermons.
Tout est commerce et marchandises, et nos pensées
Nos envies, vies privées, s’échangent aux marchés.
Adieu tes sacrifices et tes Panthéons,
Vieux monde, vois les fils de nos Etats-Nations !
Unis sous leurs drapeaux, leurs hymnes dérisoires,
Croyant tous aux papiers où l’on écrit « dollar ».
Parfois, certains criaient qu’il fallait redescendre,
Qu’à force de briller nous ne serions que cendres,
Que sous les ascensions des courbes du progrès
Des piliers de déchets et de mortes forêts
Commençaient à plier et à se fissurer.
Toute la puanteur de notre humanité
Sous les beaux tapis rouges avait été cachée.
Parfois certains pleuraient que cette hégémonie
Avaient détruit la Terre et ruiné tant de Vie.
Parfois on écoutait – mais qui croire ? Qui suivre ?
Le plus simple pour tous était de laisser vivre.
Un jour tout s’arrêta.
Un grain de sable – ou plus petit encore – ouvrit
Une parenthèse. Un répit. Un nouveau pas.
On prit du temps, je crois. On écouta, on vit,
On prit du temps : pour soi. Pas tout le monde hélas.
Car blouses blanches, routiers, livreuses, caissiers
Continuaient à nourrir, transporter… et sauver.
Les autres attendaient chez eux que le temps passe.
Ceux-là réfléchissaient à ce qu’ils avaient fait.
Nombreux étaient les gens qui, comme avant, voulaient
Parenthèse fermée, reprendre l’ascension !
Ils s’agrippaient aux rêves d’anciennes visions.
D’autres méditaient plus, pensaient, imaginaient
Un Après plus tardif, plus sage, plus serein.
Ils espéraient qu’un jour proche on ressorte enfin,
Cœur léger, esprit frais.
Un jour, tout repartit.
Et l’on se demanda si l’on avait appris
De nos fautes passées, des crises répétées.
A contrecœur toujours, on allait travailler.
On n’avait pas construit de nouvelle machine,
Alors on relança la seule qu’on avait.
Mais on en avait marre de courber l’échine
D’entendre qu’on devait, de croire qu’il fallait,
Car on avait appris à se retenir droit,
Et qu’on n’a pas besoin de bien plus grand que soi.
Oui, on avait appris les noms des fleurs, des joies,
On avait retenu les saveurs du temps long ;
Une page aussi lourde ne se tourne pas
D’un discours bleu, blanc, rouge, ou d’un coup de menton :
Notre histoire commune devait intégrer
Ces leçons confinées à différents degrés.
Alors les crêtes élevées de ces montagnes,
Qui longtemps autrefois dominaient les campagnes,
Paraissaient bien moins hautes que nos idéaux,
Moins nécessaires et vitales que nos champs ;
Laissaient passer le vent d’un calme changement,
Ainsi que le soleil et le chant des oiseaux.
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