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  • Photo du rédacteurMartin

Un grain de sable

Toujours à l’horizon il y avait ces montagnes,

Ces crêtes qui toujours surplombaient nos campagnes,

Dont les pentes toujours demandaient davantage

D’effort et de profit tant qu’on en avait l’âge.

C’était comme des dieux qui dominaient nos jours

Dont les chiffres, les flèches dénués d’Amour

Voulaient montrer la voie qui menait au malheur.

L’humanité suivait – c’était à contrecœur.

Souvent certains clamaient l’intérêt du progrès

Souvent, ils disaient vrai, certains s’enrichissaient.

Une civilisation mondiale était née

Réduisant maladies, crimes et pauvretés.

Partout vibrait la même histoire du cosmos

Comment l’on jouit d’Eros ou défait Thanatos

Dans les écoles, les labos, plus de démons

Hormone et molécule font nouveaux sermons.

Tout est commerce et marchandises, et nos pensées

Nos envies, vies privées, s’échangent aux marchés.

Adieu tes sacrifices et tes Panthéons,

Vieux monde, vois les fils de nos Etats-Nations !

Unis sous leurs drapeaux, leurs hymnes dérisoires,

Croyant tous aux papiers où l’on écrit « dollar ».

Parfois, certains criaient qu’il fallait redescendre,

Qu’à force de briller nous ne serions que cendres,

Que sous les ascensions des courbes du progrès

Des piliers de déchets et de mortes forêts

Commençaient à plier et à se fissurer.

Toute la puanteur de notre humanité

Sous les beaux tapis rouges avait été cachée.

Parfois certains pleuraient que cette hégémonie

Avaient détruit la Terre et ruiné tant de Vie.

Parfois on écoutait – mais qui croire ? Qui suivre ?

Le plus simple pour tous était de laisser vivre.

Un jour tout s’arrêta.

Un grain de sable – ou plus petit encore – ouvrit

Une parenthèse. Un répit. Un nouveau pas.

On prit du temps, je crois. On écouta, on vit,

On prit du temps : pour soi. Pas tout le monde hélas.

Car blouses blanches, routiers, livreuses, caissiers

Continuaient à nourrir, transporter… et sauver.

Les autres attendaient chez eux que le temps passe.

Ceux-là réfléchissaient à ce qu’ils avaient fait.

Nombreux étaient les gens qui, comme avant, voulaient

Parenthèse fermée, reprendre l’ascension !

Ils s’agrippaient aux rêves d’anciennes visions.

D’autres méditaient plus, pensaient, imaginaient

Un Après plus tardif, plus sage, plus serein.

Ils espéraient qu’un jour proche on ressorte enfin,

Cœur léger, esprit frais.

Un jour, tout repartit.

Et l’on se demanda si l’on avait appris

De nos fautes passées, des crises répétées.

A contrecœur toujours, on allait travailler.

On n’avait pas construit de nouvelle machine,

Alors on relança la seule qu’on avait.

Mais on en avait marre de courber l’échine

D’entendre qu’on devait, de croire qu’il fallait,

Car on avait appris à se retenir droit,

Et qu’on n’a pas besoin de bien plus grand que soi.

Oui, on avait appris les noms des fleurs, des joies,

On avait retenu les saveurs du temps long ;

Une page aussi lourde ne se tourne pas

D’un discours bleu, blanc, rouge, ou d’un coup de menton :

Notre histoire commune devait intégrer

Ces leçons confinées à différents degrés.

Alors les crêtes élevées de ces montagnes,

Qui longtemps autrefois dominaient les campagnes,

Paraissaient bien moins hautes que nos idéaux,

Moins nécessaires et vitales que nos champs ;

Laissaient passer le vent d’un calme changement,

Ainsi que le soleil et le chant des oiseaux.

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