C'est comme un papillon posé sur un roseau.
Aux pieds d'une montagne qu'on appelle l'Asie, les terres de Thaïlande s'étendent de la mer de Chine méridionale jusqu'à repousser au nord de leurs deux grandes ailes le Laos et le Myanmar dans leurs replis géologiques.
La Thaïlande est un pays surprenant pour le jeune européen que j'étais il y a quelques années, y découvrant les chaleurs et l'humidité des tropiques pour la première fois.
Un tarmac dans la nuit, des lampes, des feux, des phares et puis du bruit partout, et cette curieuse impression que ce pays a une odeur, sa propre odeur.
Dans une navette bondée, je suis cerné par des petites personnes dont les yeux paraissaient tout le temps fatigués.
J'allais découvrir que ces primes impressions allaient se confirmer ou non ; dans beaucoup d´endroits, de la rue au restaurant, des transports aux campagnes, la Thaïlande est en effet bondée.
Mais ces yeux étirés sur la face des Thaïlandais, s'ils ont pu paraître las au début, bien plus souvent parurent souriants.
Pédalant entre les champs de cannes à sucre, entre les camions et les vaches, entre l'émerveillement et l'excitation, je découvrais un nouveau monde sans avoir traversé d'océan, sinon celui qui sépare les cultures et les esprits des hommes.
Chaque endroit que je visite est la surprise de tout ce qu´il y a dans ce monde et que je n'imaginais même pas.
Mais chaque endroit que je quitte est l'impression douce-amère que tous ces gens vont continuer de vivre quand j'aurais les yeux fermés dans un lit bien confortable dans un ailleurs encore moins imaginable pour eux, sinon peut-être dans leur imaginaire de paradis.
Si une forme de paradis existe dans cette culture.
Mais c'est aussi la motivante pensée qu'il doit y avoir tant d'autres lieux à voir et tant d'autres gens à rencontrer, et c'est cela qui me faisait pédaler, fendre l'air chaud et cette odeur qui toujours restait, l'odeur d'un pays, de ses champs en culture, de sa culture.
La peau rugueuse d'un éléphant et ses longs poils étrangement roux, un gros train jaune qui chantonne en voix de tête sur le pont de la rivière Kwai, des singes en liberté qui se balancent au-dessus des cascades, disparaissent quand on veut les regarder à travers le viseur d'un appareil photo ;
Des odeurs de friture, des couleurs de vêtures,
Des scooters en bataille et des câbles en pagaille,
Des larges avenues, du monde dans les rues,
Des marchands incongrus, des femmes à moitié nues,
C´est de ce beau pays ce que j´ai retenu,
Plusieurs années après en être revenu.
Et quand j’en revoie les photographies, je ressens cette odeur – j'ai donc appris que cela était possible – ; l'odeur d’un pays.